Permettre à tous les québécois d'avoir un accès équitable à des soins de qualité : une exigence morale !

Conférence-midi donnée le 19 avril 2016


par André-Pierre Contandriopoulos
Professeur émérite, département d’administration de la santé de l’Université de Montréal

André-Pierre Contandriopoulos a profondément marqué la recherche en santé publique au Québec, au Canada et dans le monde. Véritable pilier du département d’administration de la santé de l’Université de Montréal pendant 35 ans, il a été nommé professeur émérite de l’Université en mai dernier. Cet honneur s’ajoute à de nombreuses autres dont celles de l’appartenance à la Société royale du Canada et à l’Académie canadienne des sciences de la santé depuis plusieurs années. André-Pierre Contandriopoulos est intervenu régulièrement en France et dans plusieurs autres pays pour guider les réformes des systèmes de santé. Il a accepté de venir à l’APRUM y présenter les principaux enjeux qu’il voit pour notre système de santé et partant pour notre société. Voici le résumé qu’il nous a fait parvenir.

« Au Québec, comme dans la plupart des pays du monde les systèmes de santé sont en crise. Même s’il existe des programmes universels d’assurances maladie, de très nombreuses personnes ont de la difficulté à avoir accès de façon équitable à des services de qualité quand ils en ont besoin. Pour sortir de la crise et répondre aux attentes légitimes de la population, il n’y a pas d’autre choix que de réformer en profondeur le système de santé. Il existe un très fort consensus sur l’idée que la réforme doit permettre l’intégration des soins de proximité sur une base territoriale.

Ces réformes reposent sur la possibilité d’arriver a un nouvel équilibre dynamique entre l’équité, la liberté et l’efficience. Il s’agit là d’un enjeu politique majeur qui pour les gouvernements dépasse la seule question de l’accès aux soins. Le système de santé est en effet le miroir de la société : si dans un pays le système de santé est inéquitable, plein de passe-droits, sclérosé, peu respectueux de la dignité humaine, des droits des personnes vulnérables, alors il faut réaliser que c'est la société elle-même qui est inéquitable, sclérosée, mesquine, peu respectueuse des droits des plus démunis…

Vu sous cet angle le processus de changement à mettre en œuvre pour réussir à réformer le système de santé pourrait devenir le grand chantier de la réforme de la démocratie en montrant qu’il est possible de transformer les grandes institutions de la société pour répondre aux attentes de la population. Et donc de changer la société. »

 

André-Pierre Contandriopoulos qui a profondément marqué la recherche en santé publique au Québec, au Canada et dans le monde a livré à ses collègues de l’APRUM présents à la dernière midi conférence de l’APRUM de la saison, son analyse d’expert sur l’état de notre système de santé québécois. Procédant avec méthode il nous a d’abord expliqué les raisons qui ont été à l’origine de la naissance de notre système public de santé et ses principales caractéristiques. Il a décrit par la suite les difficultés rencontrées et les principaux efforts successifs pour les corriger depuis les années 70 jusqu’à maintenant. Il nous a alors fait un portrait de la véritable crise que vit présentement notre système et l’a comparé à ceux d’autres pays qui font eux aussi face à des défis similaires. Puis le conférencier a proposé une série de remèdes susceptibles de résoudre le problème. Il se montre toutefois peu optimiste et croit que les efforts actuels incarnés par la réforme du ministre Barrette ne donneront pas les résultats escomptés, car ne s’attaquant pas aux véritables causes du problème. Selon le professeur Contandriopoulos ce n’est pas une réforme de structure centrée sur l’hôpital et les médecins qu’il nous faut, mais plutôt un régime de proximité à structure légère et travaillant en équipes multidisciplinaires. Est-ce possible? Oui, mais il faudra combattre les pouvoirs en place pour y arriver, notamment ceux des médecins tout puissants et peu enclins à partager le gâteau. Les 28 membres présents ont eu le privilège de discuter de ces idées avec leur collègue Contandriopoulos que nous remercions très sincèrement.


Gilles Rondeau, responsable des conférences

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