Nos disparus

 

 

Hommage à Maryvonne Kendergi

 

(par Michel Lespérance)

 

Maryvonne Kendergi, grande figure de la musique contemporaine et professeure émérite de l’Université, est décédée le 27 septembre dernier. Maryvonne Kendergi aura occupé une place de premier plan à la Faculté de musique en plus d'être une communicatrice très engagée dans la promotion de la musique du XXe siècle, tout particulièrement celle des compositeurs québécois. Soulignons qu’elle fut avec Jacques St-Pierre, l’un des membres fondateurs de l’APRUM.
 
Née en 1915 à Aïntab, Cilicie, Maryvonne Kendergi doit, en raison de la guerre, quitter son pays avec sa famille d'origine arménienne qui se réfugie d'abord en Syrie, puis en France. Détentrice d’une bourse du gouvernement syrien, elle cumule à Paris de nombreux diplômes : licence d'enseignement (École normale de musique, Paris) 1940, licence de concert piano (ibid.) 1941, L.èsL. (Sorbonne) 1942, diplôme supérieur histoire de l'art (Institut d'art et d'archéologie, Paris) 1944. Maryvonne Kendergi y travaille avec Alfred Cortot et Nadia Boulanger. Elle donne plusieurs concerts et se fait la promotrice de la musique française dans les milieux scolaires et universitaires. On lui confie en 1945 la direction des activités culturelles et musicales de la Cité universitaire de Paris. Elle occupe ce poste jusqu'en 1952, année de son arrivée au Canada, à Gravelbourg, en Saskatchewan. Elle y fut animatrice à la station de radio CFRG et professeure d'initiation artistique, avant de partir pour Montréal, en 1956.

 

Elle devient alors animatrice à la radio et à la télévision de Radio-Canada où elle se spécialise dans le secteur des émissions musicales et culturelles. Parmi elles, mentionnons « Présences » (1968), série de 13 entretiens télévisés avec des artistes tels Ernest Ansermet, Jane Bathori, Jean Lurçat et Boris de Schloezer, et « Carnet arts et lettres » (1968-1977). Présente à la plupart des festivals européens de 1957 à 1963, elle en a rapporté plus de 200 entrevues avec les noms prestigieux de la musique actuelle, entrevues diffusées dans sa série « Festivals européens » à la SRC.

 

Maryvonne Kendergi se joint en 1966 à la Faculté de musique de l'Université à titre de chargée d’enseignement, puis de professeur adjoint en 1968. Elle y instaure la musique canadienne comme matière académique et créé les « Musialogues » (1969) pour faire connaître les musiciens d'ici aussi bien que les musiciens étrangers de passage au Québec. Ces rencontres ont vu défiler, entre autres, les noms des Garant, Papineau-Couture, Prévost, Saint-Marcoux, Schafer, Somers, Tremblay, Menuhin, Messiaen, Stockhausen… Elle agit à titre de secrétaire de faculté au cours de l’année 1968 et est promue à l’agrégation en 1972. Elle accepte de représenter ses collègues à l’Assemblée universitaire à compter de 1975, période de débats importants sur les grandes orientations de l’Université.

Voici ce que dit d’elle Marie-Thérèse Lefebvre, collègue et professeure émérite de la Faculté de musique : « Éloignée des formules académiques, Maryvonne a toujours favorisé l'échange, la rencontre vers l'autre et l'engagement des apprentis musicologues que nous étions dans la diffusion de la musique de notre temps. L'écoute des œuvres et le dialogue avec les compositeurs et compositrices étaient au centre de son enseignement. Ses innombrables entrevues ont permis au public québécois de découvrir la richesse de la création d'ici et d'ailleurs. Maryvonne rejoint désormais les bâtisseurs de l'histoire culturelle du Québec ». Dans la foulée de cet engagement indéfectible à l'égard des études sur la musique québécoise, elle a fait don à l'Université de Montréal du Fonds de recherche Maryvonne-Kendergi, dont les bourses sont annuellement attribuées aux étudiants de maîtrise et de doctorat en musicologie.

 

Maryvonne assuma de nombreuses fonctions au sein de notre société. En 1966, elle fit partie des fondateurs de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) dont elle est présidente de 1973 à 1982. Elle assume la présidence du Conseil canadien de la musique (1977-1980) et la vice-présidence du Conseil canadien des arts (1977-1980). En 1980, elle devient la première présidente de l'Association pour l'avancement de la recherche en musique du Québec (1980-1983). Elle a été membre du Conseil des arts de la communauté urbaine de Montréal.

Cette professeure, musicographe, pianiste et commentatrice infatigable et vulgarisatrice engagée de la musique du XXe siècle a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière. Elle fut notamment nommée membre de l'Ordre du Canada (1980), chevalier de l'Ordre national du Québec (1985) et chevalier de l'Ordre des arts et des lettres de la République française (1985). Elle reçut la médaille du Canadien de la musique en 1981, le Prix Lynch-Staunton en 1983, le Prix Calixa-Lavallée en 1985 et la Médaille de l’Académie des lettres du Québec en 1994. Nommée à l'Académie des Grands Montréalais en 1988, elle fut aussi élue à la Société royale du Canada en 1990. En 1992, l’Université McGill lui décernait un doctorat honorifique en musique. Au moment de sa retraite en 1981, l’Université la nommait professeure émérite.


 

Hommage à Pierre Dansereau

 

(par Michel Lespérance)

 

Pierre Dansereau, figure dominante dans le domaine de l'écologie, est décédé le 28 septembre dernier. Il aurait eu 100 ans le 5 octobre.

Détenteur d’un baccalauréat en sciences agricoles de l'Institut agricole d'Oka (1936), il entreprend des études à Paris à l'Institut d'agronomie et à la Sorbonne, puis obtient un doctorat en sciences de l'Université de Genève en 1939.

 

Disciple, puis collaborateur du Frère Marie-Victorin, Pierre Dansereau poursuit, de 1939 à 1942, d'importants travaux d'herborisation qui l'amènent progressivement à définir les balises de l'écologie. Ensuite, il dirige le Service de biogéographie de l'Université de Montréal. Dès 1948, l'Université de Montréal l’engage à titre de professeur à l’Institut de biologie qui deviendra plus tard le département de sciences biologiques En 1950, il se rend aux États-Unis pour enseigner la botanique à l'Université du Michigan, jusqu'en 1955. Revenu au Québec, il assume les responsabilités de doyen de la Faculté des sciences, puis de directeur de l'Institut botanique de l'Université de Montréal. En 1961, après avoir souffert de divers tiraillements administratifs, Pierre Dansereau quittait la direction de l'Institut de botanique. L'équipe, que l'écologiste de la première heure avait mise en place, se désintégra rapidement et il fallut attendre des années avant que la recherche scientifique de haut calibre revienne de façon permanente sur les lieux. "Pendant toute la période qui sépare le départ de Dansereau, au début des années 1960, jusqu'en 1975, pas un seul doctorat ne sera soutenu à l'Institut", peut-on lire dans l'ouvrage Le Jardin botanique de Montréal, Esquisse d'une histoire, Fides.

En dépit de son profond engagement dans le secteur de la botanique et de son peu d'intérêt pour les tâches administratives, il accepte d'importantes responsabilités de gestion dont celle de directeur adjoint (1961-1968) du New York Botanical Garden. Cette situation lui permet parallèlement d'accéder au poste de professeur de botanique et de géographie à l'Université Columbia. Par la suite, il revient à l'Université de Montréal où il enseigne l'écologie à la Faculté des sciences et à l'Institut d'urbanisme.

 

Sa relation avec l'Université du Québec à Montréal a débuté en 1972 et aura duré plus de trente ans. Nommé professeur d'écologie, il a été, jusqu'en 1976, directeur du programme du Centre de recherche en sciences de l'environnement (CERSE). En 1990, il a été très présent lors de la création de l'Institut des sciences de l'environnement.

 

De nombreuses et prestigieuses marques de reconnaissance lui ont été données tout au long de son extraordinaire carrière. Il fut le premier membre francophone de la Société royale du Canada en 1949; celle-ci lui décernait sa médaille Dawson en 1995. Il fut nommé, en 1969, Compagnon de l'Ordre du Canada et fait Chevalier, puis Grand Officier de l'Ordre national du Québec (1992). En 1985, il est devenu membre de l'Académie des sciences de Lisbonne. Admis au Panthéon de la science et de l'ingénierie canadiennes, Pierre Dansereau est aussi lauréat des Prix Athanase-David, Molson, Marie-Victorin et Izaak-Walton-Killam. L'Encyclopaedia Britannica l'a même désigné comme pionnier mondial de l'étude de la dynamique des forêts. À sa Collation solennelle des grades de mai 1999, l’Université de Montréal lui décernait un doctorat honoris causa. Il était professeur émérite à l'UQAM qui lui avait également remis un doctorat honorifique en 2003. C'était là son 17e doctorat honorifique. L'UQAM a désigné son nouveau Complexe des sciences en son nom, en novembre 2005. L'écologiste, alors âgé de 94 ans, avait assisté à l'inauguration du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, un « bâtiment vert », comme il se doit.

 

Pierre Dansereau a été enseignant, chercheur, éducateur et humaniste, porté sur l'interdisciplinarité plutôt que sur l'étude en silo des sciences de l'environnement.
Prolifique, Pierre Dansereau a publié plus de 600 publications scientifiques. Esprit supérieur, homme d'une grande culture, il a été un maître à penser pour de nombreuses générations de jeunes qui sont venus à lui – comme on va à la source! Les écologistes d'aujourd'hui lui doivent beaucoup, surtout d'avoir ouvert la voie et donné ses lettres de noblesse à l'écologie. Il nous a donné une meilleure compréhension de l'Homme et de son milieu.


Hommage à Pierre Bois

 

(par Michel Lespérance)


Le Dr Pierre Bois, professeur émérite de l’Université, est décédé le 30 septembre dernier.

 

Bachelier de l'Université Laval en 1948, il obtient son diplôme de médecine de l'Université de Montréal en 1953 et entreprend alors dans les laboratoires du professeur Hans Selye les travaux qui le mènent au Ph.D. en médecine et chirurgie expérimentales (1957). Les travaux post-doctoraux (1957-1958) sur la dystrophie musculaire, qu'il effectue dans le laboratoire de pathologie expérimentale du professeur Pierre Masson le conduisent tout naturellement à accepter un poste de professeur adjoint en histologie et embryologie à l'Université d'Ottawa.

 

L'Université de Montréal le recrute en 1960 à titre de professeur au Département de pharmacologie. En 1964, il devient professeur titulaire et directeur du Département d'anatomie. En 1970 il accepte le poste de doyen de la Faculté de médecine, poste qu'il occupera pendant trois mandats jusqu'en 1981. Il s'agit d'une période où la faculté connaît des transformations très importantes alors que l'expansion du corps professoral et surtout le développement des activités de recherche, retiennent toute l’attention du doyen Bois.

 

C’est au début de son décanat qu’entre en vigueur le nouveau programme de formation des médecins sur cinq ans. Il se compare avantageusement à ceux de facultés de médecine américaines. Il vise à assurer un équilibre entre l’enseignement des matières fondamentales et une initiation aux sciences cliniques dès les premières années d’études. Dès le premier mandat du doyen Bois, le poste de vice-doyen aux études est créé ainsi que le comité du programme, responsable de la coordination des trois phases du programme de médecine. L’une des réalisations majeures du doyen Bois fut d’impliquer les professeurs dans l’élaboration et l’évaluation des programmes d’études. Les années du décanat Bois furent également celles de la prise en charge de la formation postdoctorale (internat et résidence) et de la négociation avec les hôpitaux universitaires de nouveaux contrats d’affiliation ainsi que celles d’un accroissement marqué des activités de recherche et de formation aux études supérieures.

De 1981 à 1991, Pierre Bois assume les responsabilités de Président du Conseil de recherches médicales du Canada (CRM). Pour l’excellence et l’importance de ses réalisations, le professeur Bois a reçu plusieurs reconnaissances : membre de la Société royale (1974), officier de l'Ordre du Canada (1994) et officier de l'Ordre national du Québec (1996). Parallèlement, la France le nomme Chevalier et Officier des Arts et des Lettres de l’Ordre national du Mérite (1988) alors que plusieurs universités, dont Ottawa, Sherbrooke et McGill, lui décernent un doctorat honoris causa. Tenant compte des mérites exceptionnels du Dr Bois, l'Université lui confère le statut de professeur émérite en 1987.

 

Plusieurs d’entre nous ont connu le Dr Bois. C’était un homme intègre, doté d’une très grande intelligence et d’un sens de l’humour qui lui était caractéristique. Il était très respecté de toute la communauté scientifique et médicale. Pierre Bois a certes fait sa marque dans le domaine médical, tout autant par ses publications et par sa direction éclairée de la Faculté de médecine que par le rôle qu'il a joué au CRM.


 

Hommage à Sergio Monaro

 

(par Jean-Robert Derome)

 

Encore une fois cet automne, l’Université de Montréal est en deuil. Sergio Monaro, professeur honoraire du Département de physique, est décédé le 10 octobre dernier. Italien d’origine et spécialiste de la physique nucléaire expérimentale, Sergio Monaro a obtenu son doctorat en physique de l’Université de Milan en 1959 et le Libera Docenza de l’Université de Rome en 1967. En 1965, il devenait professeur assistant au Département de physique de notre Université. Il était nommé professeur agrégé en 1967 et titulaire en 1972. Dans le domaine de la spectroscopie nucléaire, Sergio Monaro jouissait d’une grande réputation sur le plan international et il a été appelé à participer à plusieurs projets de recherche dans des laboratoires américains, italiens, hollandais et canadiens.

 

De nombreux étudiants, à tous les cycles, ont profité de sa vaste expérience et de sa grande générosité; tous en gardent un souvenir impérissable. Plusieurs de ses étudiants occupent maintenant des postes importants dans la communauté scientifique. Avec eux, nous regrettons le départ de ce professeur discret, mais attachant.