Université de Montréal

Association des professeurs retraités
de l'Université de Montréal



Grains de sagesse

Printemps 2001, numéro 2

Chronique de l'Université

Les récentes nouvelles relatives aux modifications qui seraient apportées au financement du secteur de l'éducation, et tout particulièrement de celui des universités, ont fortement ébranlé - c'est le moins que l'on puisse dire - de larges pans de la population. À l'Université de Montréal, l'émoi s'est manifesté spontanément et, convient-il de le souligner, avec une vigoureuse unanimité. Et, il y avait matière suffisante. Rappelons brièvement les faits.

Dans la foulée du consensus du Sommet de la jeunesse, le Gouvernement annonçait, au printemps 2000, le réinvestissement d'une somme de 600 millions de dollars pour les universités au cours de la période triennale 2000-2001 à 2002-2003. Des échanges nourris entre le ministère de l'Éducation et les universités ont permis de définir les nouvelles conditions et les modalités selon lesquelles se ferait dorénavant le financement des universités. La mise en œuvre de la politique québécoise de financement des universités repose essentiellement, pour chaque établissement universitaire, sur une entente de réinvestissement prenant la forme d'un contrat de performance à convenir avec le ministère de l'Éducation.

Tout en étant consciente des dangers potentiels d'une atteinte à son autonomie ou d'une limitation de la liberté académique de son corps professoral, que la notion même de contrat pourrait véhiculer, l'Université a relevé le défi avec confiance. Cette confiance s'appuyait sur le fait que l'Université s'était déjà " dotée d'outils de mesure de sa performance touchant diverses facettes de ses activités: recherche et études supérieures, taux de persévérance et de diplômation, charge professorale et encadrement des étudiants … " pour n'emprunter que quelques lignes du texte que signait Robert Lacroix dans la Chronique de l'Université parue dans le premier numéro du Bulletin de l'APRUM. Conséquemment, tout au long de l'an 2000, l'Université s'est employée à constituer un dossier susceptible d'incorporer les éléments d'un programme cohérent de réinvestissement. Le contrat de performance qui en a résulté a été paraphé le 5 décembre dernier par la Direction de l'Université et par le ministre de l'Éducation.

Ce contrat fait état tout autant des objectifs que l'Université s'engage à poursuivre que de l'engagement pris par le ministre de l'Éducation de lui en fournir les moyens. Il n'est certes pas indiqué de rappeler, par le menu, les dispositions contenues dans le contrat. Cette information est accessible soit dans l'encart que le journal FORUM a publié récemment soit sur le site WEB de l'Université : www.umontreal.ca. Je me bornerai à en présenter les éléments essentiels.

Il y a tout d'abord les ententes de réinvestissement convenues avec l'État lesquelles devraient permettre à l'Université de réparer les dégâts causés par les coupures draconiennes faites dans les subventions gouvernementales. Également, de faire face adéquatement aux besoins découlant de l'augmentation des effectifs étudiants et de bonifier substantiellement plusieurs secteurs de ses activités. À cette enseigne, qu'il suffise de mentionner

* les ressources nécessaires à l'embauche, sur un horizon triennal, de 320 nouveaux professeurs;

* les ajouts substantiels au budget des bibliothèques;

* la bonification des moyens requis pour faciliter une utilisation accrue des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

De son côté, l'Université s'engage à bonifier l'encadrement des cohortes étudiantes du premier cycle de façon à augmenter la qualité de l'enseignement qui leur est prodigué; cette disposition aura, entre autres, l'effet important de hausser les taux de diplômation. L'établissement compte poursuivre cet objectif par l'ajout de moyens appropriés tels, notamment,

* l'affectation d'un nombre important de nouveaux enseignants;

* la création d'une cinquantaine de postes d'auxiliaires d'enseignement;

* la bonification de l'aide apportée aux étudiants du premier cycle : parrainage, rencontres individuelles, centre de soutien, …

Parallèlement, l'Université s'engage à continuer de développer tout le secteur des études supérieures de façon à lui permettre de conserver son statut de grande université de recherche et d'enseignement. Parmi les moyens retenus pour atteindre cet objectif, il convient de signaler, notamment,

* l'attribution de plusieurs nouveaux postes de professeurs aux personnes les plus susceptibles de hausser la proportion du nombre de membres du personnel enseignant bénéficiant d'octrois de recherche;

* l'augmentation substantielle de l'aide dont les nouveaux professeurs ont besoin pour lancer convenablement leurs activités de recherche;

* la présence d'un programme accru de bourses d'études susceptible de faciliter le recrutement d'étudiants ciblés en fonction de leur potentiel.

La situation étant ce qu'elle est, une question pourtant se pose, et elle est de taille. L'Université pourra-t-elle rencontrer les obligations acceptées par voie contractuelle? Dans le meilleur des cas, c'est-à-dire dans l'hypothèse où l'État honorerait ses engagements financiers, il y aurait place pour un sain optimisme. Tout ne serait évidemment pas joué; car, dans la poursuite de certains objectifs, comme par exemple la hausse du taux de diplômation dans certains de ses programmes, l'Université ne contrôle pas aisément certains facteurs dont l'influence peut être contradictoire avec le but poursuivi. Le jeu en vaudrait cependant la chandelle.

Mais, si l'on en juge par l'ambiguïté des propos tenus par les politiciens, rien n'est moins certain que le programme des contrats de performance reçoive le financement prévu. En effet, tantôt on semble remettre en question la notion même d'entente de réinvestissement; tantôt on salue l'initiative du ministre de l'Éducation et on se réjouit à l'avance des bons résultats que donneraient les contrats de performance tout en faisant remarquer que la question du financement contient de nombreux éléments aléatoires. Aujourd'hui, on apprend la nouvelle qu'une autre université vient de signer un contrat de performance; demain, sans doute, on fera remarquer que le contexte économique, un tantinet risqué dans l'immédiat, pourrait se détériorer rapidement.

À la réflexion, l'on peut être confiant que le momentum initial de l'initiative du ministre de l'Éducation permettra quand même, au moins dans l'immédiat, certaines réalisations. Tablant sur des renseignements émanant d'instances autorisées, on peut conjecturer que 

* pour le budget 2000-2001, le financement intégral du programme serait assuré;

* pour le budget 2001-2002, un financement adéquat pourrait être escompté à moins que des modifications aux règles de financement ne deviennent nécessaires eu égard à une détérioration éventuelle de la situation financière de l'État;

* le budget 2002-2003 : cible réelle du processus, pourrait être remis en question.

On ne peut s'empêcher toutefois d'entretenir, tout au fond de soi, certaines questions qui ne semblent jamais avoir de réponses définitives. En voici deux exemples.

Pourquoi l'Université de Montréal, après avoir participé de bonne foi à la mise au point d'un programme de relance des investissements lequel a conduit à un ambitieux contrat de performance, se découvrirait-elle, du jour au lendemain, face aux mêmes sempiternelles incertitudes?

Pourquoi le moment ne serait-il pas venu, pour les autorités gouvernementales, de comprendre l'impérieuse nécessité de financer adéquatement - et d'une façon soutenue - un établissement qui, malgré tout, a réussi à acquérir le statut d'une grande université de recherche et d'enseignement?

In fine, il serait bien dommage pour la population qu'elle a l'importante mission de servir que l'Université de Montréal ne puisse disposer, d'une façon prévisible, des moyens requis pour jouer adéquatement son rôle. Nous y serions tous perdants!

Jacques St-Pierre



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