Le prix Jacques St-Pierre 2017
décerné à Guy Rocher

Texte de présentation d'Yves Lépine, président de l'APRUM

Notre président émérite, Jacques St-Pierre est décédé le 29 mars 2016. Le Conseil d’administration de l’APRUM a jugé qu’il était important d’honorer et de perpétuer la mémoire de celui qui a eu une carrière exceptionnelle comme professeur, administrateur et bâtisseur de l’Université de Montréal et qui a consacré 27 ans de sa retraite à la tête de cette association. C’est dans ce but qu’il a décidé, en mai 2016, avec l’assentiment de la famille, d’instaurer le « prix Jacques St-Pierre ».

Remis annuellement, le « prix Jacques St-Pierre » est une marque de reconnaissance attribuée par l’APRUM à un professeur retraité qui s’est distingué par sa carrière exceptionnelle, sa contribution remarquable à notre institution et son soutien indéfectible à l’APRUM. Nous faisons aujourd’hui la remise de ce prix pour la deuxième année.

Je vais maintenant rendre hommage au lauréat et second récipiendaire du « prix Jacques St-Pierre », monsieur Guy Rocher.

Guy Rocher Guy Rocher

Il enseigne la sociologie à l'Université Laval de 1952 à 1960. Il s’y voit confier la direction de l'École de service social et celle de la revue Service social (1958-1960). En 1960, on le retrouve à l'Université de Montréal à titre de professeur titulaire de sociologie. Dès son arrivée, Guy Rocher prend en charge le cours Introduction à la sociologie générale. Il dirige le Département de sociologie de 1960 à 1965. Il devient vice-doyen de la Faculté des sciences sociales de 1962 à 1967. À partir de 1979, Guy Rocher s'affilie au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université de Montréal (CRDP) afin d'y poursuivre des travaux sur les différents aspects du droit en tant que composante sociale.

Le professeur Rocher est l'un de ceux qui ont donné au Québec un système d'éducation moderne et ouvert sur le monde. Il a été membre de la Commission Parent (1961-1966) qui a repensé le système d'enseignement du Québec et qui est à l'origine des Cégeps. Il a été l'un des principaux rédacteurs du rapport de la Commission. Il a été président du Comité d'étude pour la création de l'Université du Québec à Montréal (1965-1966) et a été membre du groupe de travail McDonald sur la recherche universitaire au Canada (1967-1969). Vice-président du Conseil des arts du Canada (1969-1974), il occupe de 1977 à 1979 le poste de secrétaire général associé au Conseil exécutif du gouvernement du Québec à titre de sous-ministre du Développement culturel pour le ministre d'État Camille Laurin. Il a contribué à la rédaction de la Charte de la langue française (loi 101). Il est président du comité d'étude sur l'avenir de Radio-Québec (1978-1979) puis président de son conseil d'administration. Il est aussi Secrétaire général associé au Conseil exécutif et sous-ministre au Développement social du Gouvernement du Québec de 1981 à 1983.

Au cours de sa carrière, Guy Rocher dirige plusieurs comités d'étude ou de rédaction et plusieurs organismes universitaires et associations professionnelles. Il participe, en Belgique, à la création de l'Association internationale des sociologues de langue française. Il a été directeur de la collection « Sociologie » des Cahiers du Québec et co-directeur de la collection « L'homme dans la société » aux Éditions Hurtubise-HMH.
Guy Rocher est sans doute l'un des pionniers des sciences sociales au Québec. Initiateur de la sociologie aux universités Laval et de Montréal, ses ouvrages et ses travaux de recherche en sociologie sont traduits, diffusés, connus et utilisés dans un grand nombre de pays à travers le monde. Guy Rocher a diffusé et fait rayonner la recherche scientifique produite dans nos institutions de haut savoir. Depuis 1950 jusqu'à aujourd'hui, ses recherches et projets de recherche ont porté entre autres sur les sujets suivants : les rapports entre l'Église et l'État, la mobilité intergénérationnelle au Québec, l'histoire de la sociologie américaine, l'évolution des théories sociologiques de l'action sociale, les aspirations scolaires et les orientations professionnelles des jeunes Québécois, l'élaboration et la mise en œuvre du droit de l'enseignement privé, la mise en œuvre de la législation linguistique dans l'enseignement, le droit et les nouvelles technologies, la sociologie du droit et des ordres juridiques et normatifs, la sociologie de l'éthique et de la morale, principalement dans le domaine de la santé et de la pratique médicale, les politiques de la recherche universitaire et leurs effets et la sociologie politique et juridique des réformes.

Parmi les ouvrages que Guy Rocher a écrits, Introduction à la sociologie générale est sans conteste un des livres québécois de sociologie les plus marquants du XXe siècle. Publié en trois volumes à Montréal (1968-1969), il est traduit en six langues et remporte deux fois le prix du meilleur livre, en version anglophone et francophone, de la Fédération canadienne des sciences sociales. Guy Rocher fait paraître aussi, en France, Talcott Parsons et la sociologie américaine (1972), traduit en italien, en anglais, puis en portugais, en néerlandais et en japonais. Son œuvre compte en outre Le Québec en mutation (1973) et une autobiographie sous forme d'entretiens avec Georges Khal : Entre les rêves et l'histoire en mutation (1989).
Guy Rocher signe également des centaines d’articles, d'ouvrages collectifs, d'études et documents de travail. Outre ses écrits, il multiplie les entrevues à la radio et à la télévision, et il prononce de nombreuses conférences à l'étranger.

L'apport exceptionnel de Guy Rocher aux sciences sociales a été reconnu et souligné par de nombreux prix et distinctions tout au long de sa carrière. Compagnon de l'Ordre du Canada (1971), il est membre de la Société royale du Canada, section Académie des Lettres et des Sciences humaines, depuis 1974. Il a reçu le prix Marcel-Vincent, de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (1989), le prix de la Société canadienne de sociologie et d'anthropologie (1989), ainsi que la médaille Pierre-Chauveau (Société royale du Canada) (1991). Il est fait Chevalier de l'Ordre national du Québec (1991) et reçoit le prix Léon Guérin (1995), le prix Molson (1997), le prix Esdras-Minville de la Société Saint-Jean-Baptiste (1998) et le Prix William Dawson de la Société royale du Canada (1999). Il a obtenu en 2009 le Prix Condorcet-Dessaules du Mouvement laïque québécois. Il a reçu des doctorats honorifiques de l'Université Laval (1996), de l'Université de Moncton (1997) et de l’UQAM (2002). En 2010, il est nommé professeur émérite de l’Université de Montréal.
Aujourd’hui lorsqu’on regarde en rétrospective le chemin que vous avez parcouru, on ne peut qu’être impressionné par l’ampleur et la diversité de la carrière que vous avez menée. Vous avez agi en tant que professeur, bâtisseur et gestionnaire auprès de deux universités et en tant que membre de nombreuses instances du gouvernement du Québec, instances dont les rapports ont été suivis de suites qui sont encore très visibles aujourd’hui dans le monde de l’éducation. Vous avez agi à titre d’expert auprès de nombreuses instances tant canadiennes que québécoises, en tant qu’ambassadeur de la sociologie québécoise au niveau international, et en tant que chercheur aux intérêts variés développant de nouveaux champs de recherche, toujours avec des travaux de hauts niveaux, reconnus par la communauté des chercheurs de votre discipline.

À nos yeux, Guy Rocher, vous avez été un collègue exemplaire et au nom de l’Association des professeures et professeurs retraités de l’Université de Montréal, j’ai l’immense plaisir de vous remettre, en reconnaissance de votre carrière exceptionnelle, de votre contribution à l’Université de Montréal et de votre participation à notre association, le « Prix Jacques St-Pierre 2017 ». Toutes nos félicitations.

le 24 mai 2017

 

 

Yves Lépinel
Président de l’ APRUM

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